Thymallus Arcticus

29 janvier 2009

Moselle

mulisha

Voila un news tardive, la rivière est fermée depuis longtemps,mais dans ces moments de trêve, froids et gris, tout le monde sait que nos rêves sont la pour nous permettre de garder le moral, donc permettez moi de vous conter le récit d’une de mes derniers parcours initiatique sur la Moselle : Mardi 12 décembre, j’ouvre ma boite mail… « Salut Stan, j’ai repéré un coin de la Moselle sur Geoportail, ca à l’air pas mal, ca te dirait qu’on aille faire un tour ? »C’est l’ami Fanfouet, tout aussi fasciné que moi par la Moselle, qui veut prendre sa dose de PALM… Donc rendez vous ce samedi avec Fanfouet et Nico, dans ce coin qui avait échappé a mes repérages minutieux, ce qui a fait germé en moi un mélange de curiosité et d’excitation, et ravivé mon utopie de rencontre avec les plus gros ombres de la Moselle. Pourtant, j’ai déjà pêché en amont et en aval de cet endroit, mais comment j’ai pu ne pas l’explorer….ca m’énerve un peu que quelqu’un découvre des endroits que j’ai négligé durant mon pèlerinage automnal…tant pis, on verra bien, et puis je sais que Fanfouet et Nico, ressentent les mêmes sensations que moi lorsqu’ils sont sur les rives de la Moselle….mais quand même, j’aurais voulu l’explorer égoïstement ce coin, m’approprier chaque gobage, peigner chaque fosse dans l’attente de ce blocage si familier, analyser chaque veine d’eau nourricière, voir ce martin-pêcheur passer furtivement, observer une fois de plus tous les éphémères blanc crème gobés goulument par les ombres, alors qu’ils délaissent ces gros sulfures….. Bref, j’aurais voulu être le seul au monde à profiter d’une telle atmosphère, pour renforcer mon ego spirituel face aux esprits de la rivière auxquels je dois tout ce bien être. Mais j’adore aussi partager, m’exclamer avec des grands gestes a l’autre bout de la rivière lorsque j’ai une prise, échanger ce qu’on a vu, ce dire que c’est beau, chercher les gobages avec 4 ou 6 yeux, c’est sur, c’est plus convivial. Les copains sont déjà sur le spot, je m’habille, me chausse, et cette fois ci, je ne fais pas ma ligne dans la voiture, car il m’arrive souvent d’apprécier un bon morceau de musique en faisant ma ligne dans la voiture, car, en fait, si je monte ma ligne au bord de l’eau, je rate mes nœuds car je regarde trop la rivière… donc dans ma voiture, je me concentré sur mes nœuds. Mais non, aujourd’hui, je ne sais pas encore, toute façon, c’est sèche ou roulette sur la basse Moselle, moi, la noyée, c’est pas trop mon truc : les poissons qui picorent, et un ferrage sur 2 ratés, ce n’est pas mon fort, et puis ce n’est pas assez riche en émotions a mon gout…. Sauf pour le saumon… Et puis, il n’y a pas d’assez beaux plats pour la nymphe au fil. Bah ouais, ca pourrait gober, il ne fait pas spécialement chaud, mais j’ai déjà vu ces fous gober sous les flocons… La Moselle est magnifique ici, les galets charriés par les courants depuis des millénaires ont formé une ile, puis la rivière vient lécher la berge du parc, créant une bordure à pic couverte d’herbe grasse, la ou j’aime m’asseoir, les jambes pendant dans le vide, en rêvassant. Je peux traverser ici, j’ai de l’eau jusqu’au genoux, mais c’est aussi fort possible que je fasse fuir mes poissons tant convoités…ah non, encore un hotu qui part comme une fusée… un gros poisson de 2 kilos qui était occupé a brouter en bordure, et que seul un beau ver, ou un millième passage de nymphe verte aurait décidé a mordre. Je vois mes 2 « addict » sur le beau plat en train de fouetter a tue tête, le temps de les saluer de la main, et je les rejoins « il y a quelque chose d’énorme qui gobe contre la berge la bas !! » me dit François, et c’est vrai que ca a l’air d’être du gros dossier, contre la berge enrochée, un beau rond se forme régulièrement sur des insectes qu’on ne peut pas distinguer, surement un gros chevesne, mais la distance du gobage, et la méfiance de ce poisson nous empêcherons de le berner. C’est vrai que ce genre d’amas de roche m’a permis de prendre mon plus gros ombre, je peux déjà imaginer toute cette fascinante diversité qui se cache dans ce dédale de pierres : ombres et chevesne sélectionnent judicieusement leur éphémères , alors qu’un gros brochet en poste pourrait dévorer un streamer habillement manié….qui sait , peut être une énorme fario de 80cm se tient ici ,rescapée ayant traversée les années et évité tous les dangers de la rivière, le genre de poisson qui a des griffures sur le corps, les nageoires déchirées, et qui est devenue noire comme du charbon… exclusivement carnassière, serait elle prête a monter sur un sedge en été ? Un filet de bulles dans le calme trahi la présence de poissons fouisseurs….une gigantesque carpe miroir sauvage? Une tanche dorée avec une robe or-olive parfaite ? Un banc de barbeaux ? Revenons sur terre… c’est pas la folie au niveau activité…j’essaie un peu en sèche, l’eau est froide, j’en ai jusqu’au nombril… 10 min, je suis frigorifié….pas de gobage rentable. Apres ces vains essais, je me mets à lorgner sur une fosse pleine de remous, et je vois déjà mes nymphes dériver librement, et se faire happer…allez, jme la fait… Prospection habituelle, comme un robot, tout en m’adaptant au courant, et a la tenue possible des poissons, mais……RIEN. « Oh Stan, on va voir plus haut avec Nico, tu viens ? » Bah, attend, je finis ici, et je vous rejoins. C’est sur qu’il ya un ombre ici, pourquoi j’en prends pas, pourtant, au centimètre prés c’est la que ca devrait mordre…10 minutes de dérives appliquées….rien, toujours RIEN. Bon, jvais aller les rejoindre. Qu’est ce que c’est par ici, les couleurs de l’automne sont merveilleuse, il y a encore quelques petits restes de neige dans les talus, le sol est humide, c’est dur de marcher dans ces herbes hautes…mais quels paysages mes amis… voila ce que j’adore faire quand je me sens bien au bord de l’eau : je fais un tour sur moi-même, pour vérifier qu’il n’y a rien d’humain au tour de moi…juste pour être sur que cet endroit est intact, comme si l’homme n’avais jamais posé sa main ici…et la, j’ai vraiment l’impression de me trouver dans une vallée perdue : l’autre coté est surplombé par une berge abrupte, alors que ma rive m’offre une plage de gros galets, La Moselle est plus calme par ici, mais toujours aussi belle, et les tons roux et ocres qui se reflètent donnent un effet tout particulier. Hum… ces sapins sont plantés trop régulièrement pour être une œuvre de dame nature…mais quand même… tout me laisse croire que je suis le premier explorateur à découvrir ces lieux…mais qu’en était il 100, 200, 2000 ans en arrière ? Aurais-je vu ces saumons qui remontaient jadis dans la Moselle, qui ne sont plus à l’heure actuelle que des chimères, espèce éteinte oubliée de tous? Et mes ombres, étaient ils identiques ? Peut êtres étaient ils énormes….des poissons noirs avec des reflets violacés harnachés d’un voilier aux marbrures étonnantes …peut être avaient ils encore une part du génome de leurs cousins arctique, avant que l’évolution ne les fasse diverger… Quel aurait été le visage de la Moselle? L’eau était tellement pure qu’il suffisait de se baisser pour boire, mais attention, même si des énormes bancs d’ombres peuplaient ces courants, des dangers existaient autour de la rivière : une meute de loup avait établi son refuge en dessous de ce grand chêne, un ours hibernait paisiblement dans ce talus, et des lynx rodaient a la recherche de lièvres en vadrouille. Je peux voir un aigle pêcheur qui tournoie dans le ciel, et qui soudain, fend l’eau comme un éclair, et en ressort avec une truite énorme entre ses serre…si un jour on m’avait dit qu’il ya avait des truites de cette taille dans la Moselle… Toute la flore était plus primitive : de grandes lianes avaient pris d’assaut les bosquets de bouleaux, et d’énormes digitales roses émergeaient ca et la entre les galets de la berge. Des murailles de ronces empêchaient tout accès à certains bras de la rivière, ou l’on pouvait distinguer, en pleine lumiere des ombres gigantesques qui maraudaient paisiblement sur ces fonds de galets limpides. Le climat était froid, très froid, la Moselle était gelée pendant le tiers de l’année, mais au printemps, le soleil lui offrait sa résurrection, avec des éclosions d’insectes irréelles, des mouches de Mai énormes aux tons crèmes et sulfure descendaient le courant, mêlées à au moins 3 autres sortes d’éphémères, sans parler des sedges monstrueux qui vrombissaient, et vous collaient a la peau dès la nuit tombée. Des gigantesques libellules erraient aux grés du vent, leur couleurs étaient incroyables : rouge ocre, vert lézard, bleu électrique.., on arrivait à trouver sur les plages de galets, ça et la, des mues de plécoptères d’une taille hors du commun. En plein cœur de l’été, on entendait des violents bruits de gobages : des grosses sauterelles vertes tombées à l’eau faisaient le festin de truites monstrueuses : ces poissons se tenaient dans des caves profondes, sous des berges encombrées de ronces, c’était le seul moment de l’année ou l’on pouvait voir ces mastodontes venir en surface, cueillir les seules proies pouvant combler leur avidité carnassière…des poissons de 3 kilos, avec une robe quasiment dépourvue de points rouges ; leurs flancs étaient noirs au possible, alors que le dos et le ventre prenaient des reflets dorés. Ces poissons étaient mouchetés de la queue à la tête, par de gros points noirs auréolés. Affublées d’un corps dissymétrique, leur tête massive était dédiée a engloutir vairons, ombrets, chevesnes, et pourquoi pas même quelques souris égarées. En automne, les males étaient d’un prognathisme effarant, et l’on assistait, sur les frayères limpides, à des combats de titans entre des maitres qui se battaient violemment pour obtenir la suprématie du territoire. Avant les grands orages d’aout, il se produisait tous les jours d’énormes éclosions de fourmis volantes : toute la rivière se réveillait pour en profiter : ombres, cingles plongeurs, truites, martinet, rotengles, hirondelles… des centaines de ronds éphémères venaient chambouler la plénitude de l’onde, et ce, pour une fois causés par des créatures aussi bien aquatiques qu’aériennes. Ce lieu était un paradis pour les oiseaux en tous genres : grues cendrées, cormorans, et meme cigognes noires venaient se reposer ici… « Oh Stan !!! » c’est François qui me tire de mon, rêve, je le distingue au loin sur un grand lisse… Allez, passons du rêve théorique à la pratique… En m’approchant, je me rends compte que la Moselle se sépare ici en 3 bras, ce qui fait une espèce de mini delta, et, par la même occasion d’excellents postes à prospecter. « Bon bah, bonne chance sur le plat les gars, moi je vais faire de la ratafouillette la dedans »Alors la, si il n’y a pas un pépère la dedans, je mage ma casquette. Je descends tout en bas pour me faire un beau parcours à remonter. Hum… ca a l’air assez profond ca…il doit y avoir 1m50 de fond a seulement 1m du bord, puis le fond remonte après, une cuvette bien sympathique. Comme le dit Mr Duborgel, « il faut toujours pêcher au moins profond du plus profond, et vice versa », donc allons-y. Je déplie ma ligne à potence que j’ai monté a l’avance, et enroulé minutieusement sur un plioir rond. Parfait. Première dérive….j’ai plus que confiance….et bingo !!! ca s’arrête net….ouah…. « Big fish » !!! Le poisson n’est qu’a 1 mètre du bord, mais sonde méchamment…le voila…toujours aussi somptueux…le maitre de la Moselle, et bien dodu…..Ca commence bien !!! Remise à l’eau discrète, deuxième dérive… et rebingo !!! Cette fois ci, c’est un petit juvénile qui se décroche, et ce n’est pas plus mal… Je peigne toujours méthodiquement…5 min apres, nouvelle prise, une trentaines de centimètres de tons argentés et violacés. Sublime. Ah …ca c’est beau aussi ici, un joli remous oxygéné derrière un caillou…sens de l’eau ou pure logique ??? Vérifions ca…. Déception ….Apres une dizaine de passage, rien, mais c’est vrai que je ne suis pas encore passé exactement dans la veine que je voulais prospecter, je m’applique, c’est difficile…je guide un peu la nymphe…tension…j’y suis…oh…pendu…pas énorme, heureusement car le courant est violent…j’en étais sur…la persévérance paye toujours. Tout va pour le mieux…4 poissons en 10 min… Le prochain trou du parcours va m’en offrir 3 autres, dont 2 ombrets. Comme toujours, le soleil s’enfonce inexorablement dans l’horizon lointain, et il est temps pour moi, une fois de plus de quitter ce rêve éveillé, monde d’apaisement, de bien être, et d’insouciance, pour repartir vers la réalité, qui n’est en fait, que la plus belle des vies, embellie par ces moments magiques.

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