Après cette sortie d’Egypte si printanière, le ciel s’est voilé et ce ne sont pas les berges du Jourdain mais celles de la Corrèze que je remonte lentement. La brise qui remonte le courant donne aux posers des rectitudes nuisibles à toute vélléité de capture… Sillage dès le contact de la mouche avec l’onde et en pêchant vers l’aval c’est encore mieux; je la cherche… loin derrière la soie. Avec l’avant-bras plus mollasson, cela passe mieux mais toujours aucune montée sur ces deux cent mètres de remous prometteurs. Absence d’insectes, température des éléments, baisse soudaine du baromètre? Je me pose pour rêvasser et observer les garlèches autour de mes botillons, elles au moins, semblent réveillées. Tiens, dans la fin de cette turbulence, la surface a marqué une rupture; un poser pour voir… Points sombres et nageoires ourlées de blanc, superbe petite truite et quelle fougue pour échapper à ma main! Soudainement, la bordure se peuple et les prises deviennent régulières et même que quelques mouches la descendent, on dirait des sulfures. Le temps passé au bord de l’eau passe vraiment différemment et j’allais sécher la mouche et la renvoyer aux copines du casier quand… Allez la dernière , j’ai encore un peu de temps, non? La mouche passe et repasse mais la truite se moque. C’est moi qui suis pris au jeu et qui choisit une autre artificielle de la boîte; une chose brouillonne en poils qui dépassent et que j’ai un peu de mal à suivre sur l’eau. Elle a pris comme à regret; j’ai vu son museau… Mon coeur bat plus vite maintenant en la voyant arquée, suspendue un instant dans les airs. Elle veut même prendre un peu de soie mais il faut abréger les événements. A mes pieds, c’est un mâle à grosse tête. Tu as dû échapper au triple d’un poisson nageur ou d’une palette tournoyante avec l’état de l’encoignure de ta mâchoire et qui t’a percé le dos, un long cou reptilien quand tu t’épuisais à chasser tes rivaux à l’automne? Retourne à la veine d’eau sombre et sois vigilant pour la suite…
