Lorsque Claude m’a proposé, il y a quelques mois de faire un article pour Gobages sur les championnats du monde qui allaient avoir lieu en France, j’ai tout de suite accepté.
Je savais qu’il y serait très présent (étant dans la région organisatrice) et puis avoir l’avis d’un ancien compétiteur, plusieurs fois champion de France et membre de l’équipe de France (il en parle peu, même lors de nos « rencontres à deux mains » car il est aussi modeste que bon pêcheur) est toujours intéressant.
Voici donc sa vision de la compétition elle-même (rapide car tout ou presque a été dit depuis) mais surtout sur les évolutions souhaitables, selon lui pour continuer à respecter « l’esprit de la pêche à la mouche ».
Patrick
Championnat du monde de pêche mouche à la Mouche et nymphe au fil
Fin juin dernier s’est déroulée en Occitanie la 43ème édition de ces rencontres internationales annuelles. Trois rivières pour trois secteurs (Vicdessos, Têt et Aude) complétés du bord de deux systèmes de lacs de montagne (Carlit et Camporells) .
Plus de trente années plutôt j’avais baigné à deux reprises (Italie et Norvège) dans cette ambiance en qualité de concurrent pour représenter la France, c’est donc en voisin de la première rivière ariégeoise citée que j’ai suivi de près cette rencontre de haut niveau.
Je vous en livre donc mes ressenti, avis et impressions.
Vingt deux équipes de cinq pêcheurs sur cinq jours se sont affrontées une semaine dans des conditions de beau temps hormis quelques orages en montagne pour une saison plutôt tardive (fraîcheur et pluies). L’organisation Française sous l’égide de la World Fly Fishing (WFFC) nous a laissé le réel exemple d’un haut niveau de management.
Un véritable bravo à tous les bénévoles, organisateurs, commissaires …. Les divers concurrents suivis ont laissé aussi une image : de grands sportifs, simples, approchables.
En deux mots le ressenti d’une rencontre de « grande classe ».
De surcroît, les résultats pour la France furent éloquents puisque avec Kuntz Pierre, Delcor Sebastien et Juglaret Grégoire sur le podium des trois premières places en individuel , la France termine haut la main en première nation devant l’Espagne et les USA. Hormis peut être la Grande Bretagne que j’avais côtoyé à l’époque, ces résultats sont sans précédents.
Sans toutefois plus d’enjeux à mon avis, les équipes disposent de plus en plus de temps et moyens pour s’entraîner. Les USA par exemple qui se présentaient en « touristes », il y a une génération ont séjourné dans l’hexagone longtemps auparavant pour une complète adaptation à la pêche de nos eaux avec aussi un nombre de stages conséquents chez eux.
Par contre, difficile de nommer un style de pêche par pays tant les techniques se confondent, tout comme le matériel (deux cannes par pêcheur, boîtes nymphes et sèches similaires) et l’aire d’évolution dans la rivière. En fait une pratique très stéréotypée : exclusivement d’aval vers l’amont, tricotage du fil ou soie fine de la seconde main, longs lancers en zones dégagées, très peu de bordures et d’évolution en berges ombragées …
Sincèrement, ce fut une très belle semaine et les nombreux spectateurs : novices, voisins, clubs mouches, passionnés en furent ravis.
A l’heure où la France organise à Paris des Jeux hors du commun et reçoit des résultats de la même classe ; la France en prémices de tous ces bons moments a en Juin brillé via la pêche à la mouche, l’Occitanie de même …… Et aussi la même ferveur…
Un grand bravo.
Néanmoins et en toute objectivité vis-à-vis de la Fédération Française de Pêche à la Mouche, secteur compétition, je ne peux que réitérer trente années après ma position et celle de nombreux passionnés sur la technique quasi exclusive de la pêche en nymphe au fil (NAF) en rivière.
Rembobinage 30 ans plus tôt …
Le Doubs (Goumois) en juin pour un premier week-end de D1 m’avait contraint par manque d’expérience de ce type de rivière avec prédominance de pêche à vue à une préparation sérieuse d’une semaine auparavant avec des amis locaux dotés d’une grande expérience (Philippe Boisson, Jean Marc Somaré…). Dès la première session pourtant avec des eaux basses mon concurrent voisin et bien d’autres selon les commissaires évitaient le capo avec une nymphe de 2 à 4 grammes (hameçon écrasé) et une petite nymphe en potence !!!! Même si j’avais sauvé mes sessions sans capo entre sèche, nymphe à vue et noyée, j’étais interloqué par cette technique qui ne surprenait en rien les organisateurs et la FFPM !!! Je me réjouissais en venant, d’en découdre sur une pêche fine et visuelle mais ce fut plutôt le baptême d’un bombardement en règle….
À cette même époque affilié à l’Association de Défense de la Dordogne nous réussissions à interdire la pêche dite au « Bikini ». Il faut dire que la technique du poids en avant avec mouches à l’arrière sur un lancer ou un fouet a pesé gravement sur le cheptel d’ombres et truites. Avec beaucoup moins de pratiquants sur notre grande rivière qu’aujourd’hui, il n’était pas rare de croiser sous Beaulieu «Papy du Lot» qui au bikini et il s’en vantait, nourrissait d’ombres de toutes tailles (car encore peu inféodés à la Dordogne) sa basse-cour de volailles !!! Plus haut vers le Malpas sévissait régulièrement «Deux Paniers». Venant du Cantal, et très en avance sur son temps avec son fouet, une roulette en pointe et la petite nymphe sauteuse lui assurait de trop belles pêches déjà triées sur place avec un contenant pour les petits poissons et l’autre pour les maillés !!!!!! Nombreux collègues du CFPM de Tulle s’en rappellent … Cette interdiction en première catégorie s’est envolée au gré des diverses lois sur l’eau et Pêche au début des années 2000.
Pour revenir à cette saison où malgré tout je disposais de la première place dans le classement PSM, je décidais d’en finir avec la compétition à cause de cette technique que je considérais déjà hors classe de la pêche à la mouche.
Une génération plus tard, la nymphe au fil, certes s’est affinée, reste autorisée en pratique mais objectivement en-dehors de l’éthique de base de notre passion . Tous les nombreux auteurs avec leurs ouvrages depuis des siècles décrivent la Pêche à la Mouche telle que la définition concise d’aujourd’hui sur Wikipedia , à savoir : « Pratique qui se distingue des autres modes en utilisant une mouche artificielle, insecte ou larve propulsée par une ligne dite soie dont le poids est lancé par une canne appelée fouet ». Pour avoir aussi maintes fois initié des néophytes sur le Réservoir de la Jordanne, ce sont les arabesques de la soie qu’ils ont retenues comme image de notre sport, ceci souvent en regardant des films comme : Au milieu coule une rivière de R.Redford ou plus récemment L’école buissonnière de N. Vanier ……
Au-delà de son appartenance ou non avec la pêche à la mouche, une telle hybridation de cette pêche avec d’autres techniques (toc, ultra- léger ,mouche, bikini…..), il y a lieu de s’interroger sérieusement sur son impact environnemental.
J’ai passé une carrière professionnelle complète à réparer des ouvrages de génie civil (ponts, digues, barrages, canaux…..). Si les travaux publics avaient parfois abusé de notre environnement, j’ai connu et participé à un net sursaut de responsabilisation à l’égard de nos cours d’eau. Dés les années 90, nombres de normes, procédures, qualifications ont assaini et encadré les travaux dans l’eau.
Ce développement durable a peu effleuré la pêche de loisir et encore moins la NAF !!!!. Je m’en explique :
D’une façon systématique la pénétration et l’impact du pratiquant dans le lit des cours d’eau est exagérée, conséquence de lancers potentiels à petite/ moyenne distance, de la gêne procurée par la soie. Au championnat, j’ai même vu un compétiteur évoluer comme un carreleur dans le lit du Vicdessos grâce à ses genouillères !!!
La finesse des pointes reliant les deux nymphes obligent inévitablement des pertes de tungstène en fond de lit des cours d’eau. Pour une telle compétition à raison de 5 à 10 nymphes perdues par jour par participants c’est selon toute hypothèse plausible entre 2 et 4 kilos d’un tel matériau lourd ainsi laissé dans la semaine dont la non-toxicité n’a pas encore été réellement démontrée.
En profondeur, les nages antagonistes des deux nymphes se tiraillant l’une à l’autre provoquent plus un attrait incitatif qu’imitatif au contraire d’une dérive naturelle. Leur travail en parfait binôme est plus dans l’excitation que pour ressembler à une quelconque nourriture proche du fond, zone de refuge. Ainsi la proportion de prise de juvéniles est supérieure à toutes les autres pêches. Malgré une remise à l’eau de ceux-ci, cela reste un point sensible pour leur évolution.
Ces principaux impacts sur le milieu ne sont pas dénués de conséquences : raréfaction des sorties pour subsistance et gobages, stress , alerte permanente…
Vous l’avez compris la grande interrogation devant un tel championnat en rivière réside dans l’absence visuelle de propulseur ou soie sortie de la tête de scion !!!
Il paraît opportun alors que le continent entier nomme cette pêche «Style Européen», que notre fédération française prenne les choses en mains pour l’évincer du cadre de la pêche à la mouche.
Des grands noms tels que : Louis de Boisset, Raymond Rocher … voire aussi ceux que j’ai pu côtoyer : Guy Plas, Jean Louis Poirot, n’auraient jamais soldé notre sport pour une telle hypocrisie….
Nul doute que nos champions français toute soie dehors puissent s’en passer pour briller à nouveau.
Dernière remarque : il y a déjà eu sur le site un post où chacun a pu s’exprimer. Merci de ne pas relancer une polémique stérile.