Pêche Mouche

Pêche du black bass en France

10 octobre 2001

Le black-bass a été introduit dans de nombreuses eaux, au point de rendre sa pêche possible sur tout le territoire…De nombreux pêcheurs désireux de l’attraper à la mouche ont pour seul point de repère les volumineux leurres provenant des Etats-Unis exposés chez leur détaillant où les quelques streamers qu’ils possèdent.

Pourtant les conditions de pêche ne sont pas les mêmes qu’aux USA. Le pêcheurs français qui ne peut pas toujours se rendre dans les endroits  » où la pression de pêche est faible et le poisson peu dérangé par la présence humaine  » gagnera en efficacité en affinant les modèles américains voire en créant ses propres modèles.

Des conditions de pêche particulières en France

Un lac à black typique Compte tenu de l’aire de répartition très parcellaire du black-bass chez nous et de son habitat essentiellement composé de petits lacs ou de réservoirs, il existe très peu d’endroits ou ce poisson n’est pas éduqué. Dans nos eaux publiques, même s’il n’est pas systématiquement recherché, il voit régulièrement les vifs et les leurres artificiels destinés aux carnassiers qui cohabitent avec lui. Dans les parcours réservés à la pêche à la mouche, où la graciation est généralement de rigueur, le poisson assimile très vite le danger que représentent les leurres et la présence humaine. Dans tous les cas bon nombre de poissons auront été « châtié » par la rencontre avec un hameçon.

Autre particularité française: la taille modeste de nos poissons. Les introductions récentes dans de nombreux lieux et le faible écho que trouve la graciation dans les rangs des pêcheurs en sont vraisemblablement la cause. Rien à voir donc avec les black-bass géants de Louisiane qui dans de vastes étendues d’eau, sous un climat chaud, côtoient une faune florissante et des pêcheurs qui les gracient la plupart du temps. S’il est logique dans de telles conditions de présenter une souris en poils de 15 centimètres à un black-bass de 10 livres, le même modèle risque de faire figure d’épouvantail dans un étang de la Bresse, même peu pêché, ne serait-ce que par le bruit qu’il fait en tombant.

Comme tout poisson, le black-bass est parfois vorace au point de perdre toute méfiance et de sauter sur n’importe quel gros popper ou streamer brillant qui passe à sa portée. Mais ces périodes fastes sont trop rares, courtes et imprévisibles pour nous faire oublier les longues heures qu’il passe en lisière de la végétation, tous les sens en éveil, prêt à détaler ou à se laisser séduire par une imitation vraisemblable et bien présentée.
Il va donc falloir adopter une approche spécifique à nos poissons de taille modeste et très méfiants en utilisant notamment des modèles de mouche adaptés.

Des mouches adaptées

Cela ne veut pas dire qu’il faut rejeter en bloc tous les modèles américains. Bien au contraire, il faut les utiliser en petite taille ou s’inspirer de la conception et des matériaux utilisés. Aucun modèle n’imitera mieux une grenouillette ou sauterelle gesticulante qu’un popper et rien ne remplacera le balsa ou les poils de cervidés pour la conception des têtes flottantes. Il est toutefois possible en observant de près le garde manger des black-bass de mettre au point des modèles très efficaces et surtout très discrets capables de tromper des poissons éduqués par les  » plouf  » des leurres métalliques et des poppers.

Sauterelle en cervidé : un modèle à essayerUne libellule posée discrètement alerte des poissons postés à plusieurs mètres.
Les libellules sont très nombreuses au bord de nos étangs. Elles font partie intégrante de l’environnement et des repas des black-bass. C’est grâce à une petite imitation que j’ai pu vérifier l’acuité visuelle de ces poissons pour repérer leurs proies. Le rond discret d’une mouche montée sur un hameçon n° 12 suffit souvent à décaler un black de son poste et à provoquer un V dont la pointe s’arrête sous le leurre. Une légère animation aide alors à emporter la décision.

En pêchant les gros black-bass à vue au mois de juin, il est facile de se rendre compte de leur faculté à apprécier la vraisemblance d’un leurre au bruit qu’il fait en tombant dans l’eau. Neuf fois sur dix le signal émis par le posé d’un popper de taille moyenne suffit à caler ou faire fuir ces gros spécimens. L’avantage est alors donné aux mouches discrètes qui n’effraient pas le poisson et assez vraisemblables pour déclencher l’attaque. C’est là qu’excelle une imitation de libellule à la fois légère et familière. Un corps détaché en mousse rouge ou verte simule à la perfection le corps de l’insecte tout en assurant une bonne flottaison (voir fiche montage). Celle-ci sera améliorée par une épaisse touffe de poils de cervidés apposée en guise de pattes et d’ailes. D’une grande visibilité et solidité, une telle imitation constitue un modèle de base lors de la recherche du black-bass.

Sous l’eau, en présence de têtards, c’est la souplesse du lapin qui fait la différence.
Les têtards et les sangsues sont fréquents dans les étangs. Ils peuvent être imités avec succès par de petits streamers noirs en lapin. Ceux-ci sont d’une très grande efficacité sur les poissons qui suivent et observent la mouche sous tous ses angles avant de la prendre. Au moindre doute c’est la fuite lente mais inexorable au plus profond d’un herbier.

C’est vraisemblablement l’exceptionnelle souplesse du poil de lapin qui imite ce souffle de vie, qui déclenche l’attaque. Non lestée, cette mouche pêche quelques centimètres sous la surface. Elle peut être travaillée tout en finesse, sur place, tout en permettant de visualiser la poursuite ou la prise d’un poisson. Cela se manifeste par une petite vague ou un remous suivi d’une brève sensation de lourdeur dans la soie. Il faut alors ferrer rapidement car ces poissons sont très prompts à recracher cette boule de poils.

Les victimes des chasses bruyantes de bordure sont souvent des gambusies.
Les poissonnets figurent souvent au menu des black-bass. C’est notamment le cas des gambusies, petits poissons de surface, introduits dans le sud-ouest pour lutter contre la prolifération des moustiques.

Très utilisés comme vifs par quelques spécialistes locaux du black, ces poissons vivent avec les alevins des autres espèces dans les eaux chaudes et la végétation aquatique des bordures. C’est le plus souvent à la tombée de la nuit que les gros black quittent les hauts fonds du large pour venir chasser les gambusies sur les plages. Les manifestations bruyantes qui s’en suivent témoignent de l’avidité dont ils font preuve lors de ces festins. Malheureusement leur sélectivité va nous soumettre à rude épreuve. Après bien des essais infructueux pour trouver une imitation convaincante, il semble que des leurres en plastique destinés à la pêche en mer montés sur un hameçon à mouche arrivent à séduire les black dans cette situation. Mais il faudra confirmer ce succès lors de prochaines sorties.

Il faut parfois revenir aux bases

C’est ce qui rend la pêche à la mouche si intéressante. Il faut toujours se remettre en cause, replonger dans le milieu aquatique pour observer une éclosion, une mouche ou une gambusie… L’imitation qui en naîtra sera essayée puis retouchée, épurée. A la fin elle ne ressemblera plus forcément à ce qu’elle est sensée imiter mais elle plaira aux poissons. La pêche du black-bass ne fait pas exeption à la règle.

A ceux qui croient avoir résolu une grande partie des problèmes rencontrés en rivière et qui prennent régulièrement des truites et des ombres, je conseille d’aller rendre une visite aux black-bass. Ils y découvriront un nouveau terrain d’investigation, se pencheront immanquablement sur la vie d’un étang et y trouveront un noble compagnon de jeu. Par leur observations ils comprendront que la pêche à la mouche constitue le plus sûr moyen de capturer de beaux poissons surtout dans les endroits encombrés par la végétation aquatique ou très pêchés. En utilisant ou en adaptant des mouches du commerce, ils jugeront par eux même de l’utilité d’employer des mouches discrètes et vraisemblables pour tromper les gros black-bass, juste pour avoir le plaisir de les remettre à l’eau.

Auteur: Frédéric Serre

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