Voyages pêche

Steelhead Dreams

5 décembre 2003

Le voyage

Après 9h00 d’avion, depuis Milan, l’arrivée à Toronto est une délivrance. Pleins d’espoir, nous récupérons le véhicule de location, un Chevrolet Trail Blazer flambant neuf. Le passage aux USA se fait sans gros problème, à Buffalo, si ce n’est le regard dubitatif de l’Officier de l’immigration qui voit arriver ces drôles de frenchies armés de cannes à pêche.
La nuit tombe vite en cette fin d’octobre aussi, lorsque nous atteignons la petite bourgade de Gowanda, nous ne pouvons nous rendre compte de l’état de la Cattaraugus creek sur laquelle nous avons décidé d’établir notre camp de base.

Le Tee-Pee, bed et breakfast de Max et Phyllis Lay, dignes représentants de la nation des indiens Seneca, sera notre nid douillet pour la plus grosse partie de notre séjour. Les indiens Seneca forment une tribu qui fait partie de la confédération des Iroquois. Les Senecas disposent, par le traité de Canandaigua en 1794, de trois réserves dans l’ouest de l’état de New-York. La réserve de la Cattaraugus s’étend sur trois comtés : Erié, Cattaraugus et Chautauqua. Ils sont dotés d’une forme de gouvernement et un traité de 1842 fait de la réserve une zone franche qui voit fleurir des stations services et des smoking shops détaxés. Pour pêcher ici, les autorités senecas délivrent une licence pour les non résidents qui s’élève à 35 $ pour la saison.

Contexte régional

Le lac Erié dont la longueur atteint près de 400 kms pour un peu moins de 100 kms de large est le quatrième des grands lacs. Bien que sa superficie soit supérieure à celle du lac Ontario, il contient 4 fois moins d’eau que ce dernier à cause de sa faible profondeur (environ 64 m). Pour cette raison, c’est le lac le plus riche d’un point de vue biologique, il abrite une centaine d’espèces de poissons. La steelhead a fait l’objet d’un important programme d’implantation et est, à l’heure actuelle, considérée comme LE poisson de sport de la région.

La Cat (Cattaraugus) est un des principaux tributaires du lac et les remontées de steelheads sont estimées entre trente et quarante mille individus par an. Cependant, il présente un inconvénient : ce cours d’eau traverse un bassin versant très argileux et lors de précipitations, il se charge très rapidement pour ne revenir à la normale que 5 jours plus tard. Des statistiques donnent 50% de jours pêchables au mois d’octobre et seuleument 25% pour le mois de novembre. Cela représente une moyenne, il faut en tirer la conclusion que certaines années la rivière n’est pas pêchable du tout. Le week-end dernier, elle a accusé une forte crue et ses eaux encore teintées, semblent doucement redevenir correctes pour la pêche.

La pêche de la steelhead

2004_11_1La température de l’élément liquide étant relativement élevée, 8°C environ, nous optons pour la technique  » Swing the fly « , c’est à dire, tout simplement, en noyée classique à une mouche.

Patrice va cartonner d’entrée, son artificielle, un genre de Woolly Bugger violet et casqué, fait un malheur. Equipé d’une canne pour soie de 7 avec une ligne pointe plongeante tip V plus le lestage de la noyée, il présente la bonne couleur au bon niveau et les touches se succédent. Christian va rajouter un plomb devant ses eggs sucking leech et moi me mettre à l’étau.

Dès lors, nous allons tous profiter de ces obus d’argent, mesurants en moyenne entre 55 et 70 cms avec pour certains, plus de 40 cms de tour de taille. Ces furies, fraîchement remontées, vont mettre à mal nos bas de ligne munis d’un raisonnable 25/°°.

Au bout de quatre jours, pour fêter Halloween, des nuages menaçants font leur apparition et versent leur contenu une partie de la journée et de la nuit. Les précipitations ne sont pas très importantes mais cela suffit à donner à la rivière une couleur thé au lait qui nous incite à découvrir d’autres horizons pour les jours à venir. C’est ainsi que nous faisons connaissance avec la Chautauqua et la Canadaway qui sont de très modestes cours d’eau mais truffés de poissons et de pêcheurs. Cela nous rappelle étrangement un jour d’ouverture chez nous, sur les parcours à truites surdensitaires.

La clarté de l’eau va nous permettre de nous faire la main, à vue, à la méthode américaine dite  » Bottom drift nymphing  » qui consite à faire évoluer une nymphe ou deux et/ou des imitations d’oeufs au ras du fond. Pour cela, nous utilisons le même matériel, la différence est que nous remplaçons la pointe plongeante par une ligne flottante et qu’il faut rajouter une plombée pour faire dériver à la bonne profondeur. On lance trois quart amont et on accompagne la dérive canne haute pour obtenir une meilleure pénétration des artificielles dans la couche liquide. Et, ce fut le festival.

Nous sommes ensuite partis vers l’Est, essayer les tributaires du lac Ontario où de monstrueuses farios dament la vedette aux arcs migratrices. Sur les berges de la Oak Orchard, nous sommes effrayés par la quantité de pêcheurs : il y en a un tous les deux mètres. Nous nous enfuyons vers la Sandy creek, superbe chalk stream qui coule un peu plus à l’Est sur lequel nous pouvons nous isoler un peu. Je prendrais bien une superbe fario mais agacer ces poissons qui préparent leurs frayères ne nous amuse guère. Nous décidons de repartir aussitôt vers l’Ouest et tenter notre chance sur la fameuse Elk creek en Pensylvanie. C’est un superbe cours d’eau de taille plus modeste que la Cat mais dont la clarté va nous permettre de prendre des steelheads en nymphe à vue.

Les steelheads : des obus d'argent, mesurants en moyenne entre 55 et 70 cm ...Les steelheads : des obus d’argent, mesurants en moyenne entre 55 et 70 cm …

La fin du séjour approche et c’est avec bonheur que nous retrouvons la Cattaraugus qui se présente sous son meilleur visage. Le froid qui nous avait épargnés jusque-là, nous rattrape et impose de pêcher en  » Bottom drift « . Les suckers spawn qui imitent une petite grappe d’oeufs (hyper simple à monter avec du glo bug yarn), se révèlent être une arme redoutable. Une bonne remontée de poissons frais le dernier jour va me permettre de terminer en apothéose.

Patrice n’ayant pas la même chance, me questionna au sujet de ma plombée. Après avoir ajouté un petit plomb, il réussit deux prises coup sur coup, ce qui prouve bien que le niveau de présentation avait toute son importance. C’était la clé du succès.

Conclusion

Merci Monsieur et Madame Lay pour votre gentillesse et votre hospitalité, merci les Mike, Mark, Rick et les autres pêcheurs anonymes, merci pour votre accueil, votre soif de partage et vos conseils désintéressés. J’ai rarement vu cela en France.

En ajoutant une petite visite chez les Amish et un détour par les chutes du Niagara, ce fut un super voyage de deux semaines et, cerise sur le gâteau, pour la modique somme de 1500 euros TOUT COMPRIS.

Du GREAT, GREAT, GREAT lakes.

NB : J’ai emprunté le titre « Steelhead Deams » au superbe ouvrage de Matthew Supinski, outfitter dans le Michigan. Ce fut mon livre de chevet pour la préparation de ce voyage (édition : Franck Amato Publications, Inc.)

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