Pêche Mouche

La pêche de l’ombre à la mouche sèche en grande rivière

20 octobre 2003

La pêche de l’ombre en arrière saison est un grand plaisir. Souvent synonyme de mouche sèche et de grande rivière (Dordogne, Salat, Vieux-Rhin … avant la canicule), elle suppose quelques connaissances et une approche particulière pour se révéler frucutueuse.

Qu’est ce qu’une grande rivière ?

Une grande rivière fait plus de 30 mètres de large, elle est puissante et ne peut se traverser partout. En France, on pensera bien sûr à la Dordogne, au Rhin, à la rivière d’Ain ou au vieux Rhône.

pêche à la mouche
Le Vieux Rhin en automne : large et puissant

Ethique

Ici plus qu’ailleurs, les dimensions de la rivière peuvent vous laisser croire que l’impact de vos prélèvements est faible. Il n’en est rien, car ces grandes rivières sont souvent très pêchées, et les populations d’ombre sont aussi fragiles qu’ailleurs, comme le prouve l’exemple de l’Ain, où sa pêche a du être fermée pour protéger l’espèce. Les bancs sont souvent très localisés et bien connus. Taper dedans et c’est toute la pêche qui se dégrade …

Par ailleurs l’ombre est un poisson très fragile et on préfèrera les hameçons sans ardillons, et si vous avez malgré tout du mal à décrocher un poisson, coupez le fil plutôt que de le manipuler de longues minutes.

La saison et les postes

Comme vous le savez l’ombre se reproduit au printemps. L’ouverture se situe mi-mai. Ce début de saison est en général productif, d’autant que les ombres sortant du frai sont en général affamés et peu éduqués. Mais ils sont également très fatigués et encore plus fragiles qu’à l’accoutumée, car très sensibles à un parasite, la furonculose. Le no kill doit être synonyme de respect du poisson. Il ne s’agit pas de harceler des poissons qui n’ont pas les moyens de le supporter.

En été, pendant la journée, vous verrez assez peu de gobages, sauf par temps couvert, ou en cas de retombées massives de fourmi. Il est possible de pêcher l’ombre en nymphe, soit à vue soit au fil, ou à la roulette dans les bouillons, mais c’est en automne que sa pêche prend tout son intérêt. La truite est fermée, il y a beaucoup de mouches, l’ombre est éduqué, il gobe, il est en forme. Que demander de plus ? En automne, les poissons quittent les courants rapides et oxygénés qu’ils peuvent fréquenter au coeur de l’été. On les cherchera plutôt sur les fosses et gravières au courant puissant et uniforme. Un grand lisse profond est idéal.

L’ombre et le dragage

Même s’il arrive de voir des ombres ne gober que des insectes naturels (sulfures) qui draguaient, c’est un poisson qui ne supporte pas le dragage en général. Ayant pêché par inadvertance dans une réserve, j’y ai constaté que même ces poissons faciles ne montaient pas sur une mouche qui drague. L’explication est simple : l’ombre monte depuis le fond et il voit donc la mouche longtemps en avance. Il faut donc poser la mouche très en amont du gobage (2 ou 3 mètres selon la profondeur du poste), et la faire dériver sur toute cette distance sans le moindre dragage, malgré l’enchevêtrement de veines d’eau propre aux grandes rivières. Ca paraît difficile, mais l’utilisation d’un matériel adapté permet de résoudre bien des soucis.

Le matériel et l’équipement du pêcheur

Pour faire de grandes dérives, il faut de longues pointes fines (de 1,5m à plus de 2m de 12% en général). Pour lancer ces longues pointes correctement, il faut de longs bas de ligne . (Voir formules de bas de ligne). Une longueur de 5 à 6 mètres est standard. Ils se lancent très bien, pour peu qu’on les laisse bien se déployer. Le vent est en revanche très gênant. Il faut que le bas de ligne flotte bien (je graisse tout, sauf la pointe), sans quoi l’arracher ne sera pas discret, et vous perdrez de la rapidité dans le ferrage.

Novembre, la pluie est fraîche mais la récompense est au bout de la ligne !En grande rivière, on est bien souvent en wading dans une profondeur assez importante. Une longue canne (plus de 9′) est donc très utile. Elle vous permettra de tenir plus de soie hors de l’eau, ce qui permet de ferrer plus rapidement et de mieux contrôler la dérive de la soie (les replacements ou mendings seront plus faciles). Parallèlement, vous pourrez arracher plus de soie d’un seul coup, et donc présenter la mouche plus fréquemment au poisson attaqué. La soie sera bien sûr, flottante, naturelle ou artificielle, de préférence décentrée, de taille 3 à 5.

A cette saison il est également primordial de bien se protéger du froid. Des wadings en néoprène associés à un manteau chaud et parfaitement étanche sont un minimum. Des gants sont bien utiles, car rien n’est plus frustrant que de ne plus pouvoir bouger les doigts quand on doit changer de mouche ou de pointe (et Dieu sait que ça arrive !).

Mais contre le froid, le plus sage est de limiter au maximum son temps de présence dans l’eau : il ne faut pas y entrer avant que les poissons montent, même si l’envie de fouetter vous démange. Cela pourrait caler les poissons, mais surtout vous seriez complètement congelé au moment où ça devient vraiment intéressant.

Longueur/Diamètre 45 40 35 30 25 20 16 14 12 ou plus fi
6,05 mètres 40 45 50 55 60 65 65 65 160
6,45 mètres 45 50 55 60 65 65 65 60 180 voire plus

Le placement, l’attaque du gobage, le poser

Comme dans beaucoup de cas, le placement est extrêmement important, car il détermine la présentation. Ce qui doit nous guider dans le placement, c’est le soucis de ne pas faire draguer la mouche, et de présenter la mouche avant le bas de ligne. Cela exclut donc d’office la pêche amont, qui ne sera utilisée que dans les cas où il est physiquement impossible de faire autrement, par exemple à cause de la force du courant ou de la profondeur. La meilleure solution est la pêche ¾ aval, car elle remplit les deux critères. La pêche plein aval est à considérer, mais le problème est qu’on arrache sur le poisson à chaque passage. On pourra également pêcher plein travers (perpendiculairement au courant) ou ¾ amont à l’aide de posés courbes : coup droit depuis la rive droite, revers depuis la rive gauche (pour les droitiers).

La distance séparant le pêcheur du gobage sera dans l’idéal autour de 10 à 15 mètres. Plus près, on pourrait être gêné par la longueur de la canne et du bas de ligne. Plus loin, c’est le ferrage et la précision qui deviennent aléatoires. Avant de se placer pour attaquer un poisson il faut bien repérer sa localisation : quelle veine d’eau, à quelle hauteur… Et une fois placé, il vaut mieux le laisser remonter pour confirmer le repérage, et ne pas prendre le risque de le couvrir avec la soie ou le bas de ligne. L’ombre est presque aussi exigeant sur la veine d’eau que sur le dragage : il montera rarement sur une mouche qui ne lui passe pas exactement dessus, même si elle est parfaitement présentée.

Le poser droit tendu, qu’on est si fier de savoir réaliser lorsqu’on débute, est ici à proscrire car le dragage serait immédiat. Il s’agit ici de poser détendu., pour laisser à la mouche le plus de liberté possible. C’est le moment de sortir vos poser parachutes. L’idée est de réaliser des poser merdiques, très doux, et suffisamment précis. On pourra par exemple viser un point imaginaire au dessus de l’eau, ce qui laissera du temps à l’ensemble pour se déployer et atterrir comme une fleur. Les solutions techniques sont très nombreuses et pas évidentes à décrire par écrit.

Le comportement du poisson

pêche à la moucheEn général es ombres se nourrissent postés, comme les truites de rivière. Ils choisissent une veine d’eau et s’y tiennent en général avec rigueur, d’où la nécessité d’être précis. Sur les plats très calmes, on croise parfois des poissons qui se promènent d’avantage, ce qui ne facilite pas les choses.

Il arrive souvent de ferrer dans le vide, en étant pourtant certain que le poisson a bel et bien pris la mouche. Si c’est parfois vrai, il s’agit en fait le plus souvent de refus. En fait, l’ombre peut se contenter de pousser la mouche du nez, de gober à coté, de s’arrêter juste en dessous (on voit alors un petit remous, mais la mouche ne disparaît pas), voire de rouler dessus. Ce dernier comportement, singulier, est confirmé par les captures de poissons piqués très loin de la gueule, dans le ventre, la queue ou le dos par exemple ! Quoi qu’il en soit, il faut toujours ferrer, car c’est justement la fois ou l’ombre aura pris que vous croirez qu’il a refusé. Le timing est important, et si certains pêcheurs préconisent de laisser un petit temps de retard (notamment quand on pêche aval), je crois qu’il vaut mieux ferrer le plus vite possible. Si vous ratez un ombre, ou si vous ferrez sur un refus, la plupart du temps il remontera. Peut être pas instantanément (s’il est éduqué), peut être pas sur la même mouche, mais il remontera. En revanche , si vous le décrochez immédiatement après le ferrage, il peut ne pas remonter du tout.

La fréquence et la forme des gobages peuvent vous renseigner sur la nature des mouches prisent. Ainsi, un ombre qui gobe des chiros sur un secteur peu agité pourra faire de tous petits gobages, si petits que vous pourriez croire à des ablettes. Ses gobages seront également plus fréquents, car il ne redescendra pas forcément jusqu’au fond à chaque fois. En revanche, il pourra aussi ne gober que par petits épisodes, s’arrêter, et reprendre. Le même poisson gobant des petits sedges fera des gobages plus visibles, avec éventuellement une petite giclette verticale. Il gobera en général moins fréquemment, mais sur une période plus longue (s’il n’est pas dérangé).

Les mouches

Au début de l’automne on rencontre encore des sedges, mais par la suite, c’est avec les éphémères et les chiros qu’il va falloir compter. Les modèles de taille moyenne à petite (16 à 20) suffisent. Mais il vaut mieux se renseigner avant, ou prévoir large, car on ne sait jamais sur quoi on peut tomber. Il serait dommage de se priver du plaisir de pêcher avec des mouches « à ombre ». Ce sont des mouches dont une partie (tag, corps, aile …) est très brillante, ou très vivement colorée. Quoi de plus ludique que de pêcher avec un petit CDC rose fluo ? Face à des poissons qui refusent beaucoup, il ne faut pas hésiter à changer souvent de mouche, plutôt que de matraquer un poisson cent fois avec le même modèle. Il ne faut en revanche pas croire que c’est la mouche qui fait tout. Avec un choix de mouche pas trop aberrant, c’est la présentation qui fera la différence.

Les musts

  1. Une sélection de CDC classiques en taille 16 à 20 dans tous les tons, notamment olive.
  2. Une émergente d’éphémère, par exemple une oreille de lièvre, taille 16 à 20.
  3. Une imitation de chiro par exemple sous forme d’un petit CDC sombre et sobre, taille 18 à … aussi petit que vous voulez !
  4. Des mouches fantaisie, comme les Thyma Tag de Guy Plas (en coq), ou l’équivalent en CDC, ou sans CDC (ça donne des émergentes fantaisie).
  5. Une imitation de sulfure, taille 14 à 18. Les tailles diffèrent beaucoup, et les petits modèles peuvent être pris même en l’absence d’éclosion.
  6. Un petit sedge et un petit sedge émergent, taille 16-20.
  7. Des fourmis, car s’il y en a et que vous n’en avez pas, vous le regretterez !

La sécurité

Une grande rivière, c’est large, profond, et puissant. J’utilise la plupart du temps un bâton de wading (bricolé dans un piquet de tente en 4 brins). On peut s’en passer, mais comme ça n’est ni cher, ni gênant, autant le prendre.
Sur la Dordogne, il faut être vigilant : EDF ne laissera pas de répit au pêcheur. Il faut prendre des repères au bord, connaître le coup que l’on pêche, et ne pas s’aventurer trop profondément.
Le Rhin est plus placide et ses fonds sont plus réguliers et moins glissants, mais dans tous les cas il est imprudent de pêcher seul.

N’oubliez pas de gracier toutes vos prises.

Auteur: Nicolas Pariset

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