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Sedges et insectes terrestres: Les mouches de l’été.

7 décembre 2021

Originally posted 2012-08-04 00:00:00.

Sedges et insectes terrestres: Les mouches de l’été.

L’’été est synonyme pour la majorité d’entre nous de plusieurs semaines de pêche consécutives.

Profitant de la période des vacances, nous allons pouvoir pratiquer notre loisir dans des conditions climatiques en général agréables. La pêche n’est pas facile pour autant. Les eaux basses et très fréquentées vont nous obliger à la plus extrême finesse et à bien connaître les habitudes alimentaires des poissons. Coté activité de la faune aquatique, les fastes du printemps s’estompent peu à peu et vers le début juillet les conditions estivales sont en place. un ensoleillement important, des eaux basses et chaudes ne sont guère favorables aux éclosions régulières et continues d’éphémères. L’activité des insectes aquatiques se trouve concentrée aux extrémités de la journée. Le matin, la dérive de spents peut provoquer de belles périodes de gobages. Mais c’est surtout au crépuscule que les insectes sont actifs. Les vedettes des soirées d’été sont sans conteste les sedges. En quelques minutes, leur présence met fréquemment la rivière en ébullition.

Se contenter de pêcher les coups du matin et du soir serait pourtant une grossière erreur. En effet sur les berges au plus fort de la chaleur, les insectes terrestres sont en pleine activité. Les prairies non traitées regorgent de sauterelles, les branches basses des arbres servent de refuge à de très nombreux insectes et les fourmis volantes font de fréquentes apparitions. Pour peu qu’elles ne soient pas trop dérangées par les rafts, les truites sont à l’affût très près des berges, sous les branches surplombantes, prêtes à « détoner » sur un coléoptère malchanceux ou une sauterelle emportée par le vent. La pêche s’apparente alors à une chasse. La prospection des bordures à l’aide de mouches sèches permet de surprendre bon nombre de poissons même en l’absence de gobages.

La réussite a donc toutes les chances de sourire au pêcheur possédant dans ses boites des imitations de trichoptères et d’insectes terrestres pour peu qu’il connaisse le comportement des poissons vis à vis de ces insectes.

Le cycle de vie des trichoptères.

 

Les trichoptères, appelés couramment « porte-bois », « sedges » ou « phryganes » par les pêcheurs sont des insectes holométaboles, c’est à dire à métamorphose complète. Etymologiquement, leur nom signifie ailes poilues en références aux courts poils des ailes des adultes repliées en forme de toit sur l’abdomen. Les larves vivent en général dix mois en milieu aquatique avant de se métamorphoser en nymphe puis en adulte aérien.

Les oeufs sont déposés par les femelles en paquets volumineux à la surface de l’eau. Ceux-ci tombent sur le fond auquel ils adhèrent grâce à une substance gélatineuse sécrétée par la femelle. Après quelques semaines de développement, la larve sort de l’oeuf. Elle se déplace à l’aide de ses trois paires de pattes. De nombreuses espèces se construisent alors un fourreau protecteur. Ces larves dites éruciformes mélangent alors divers matériaux comme des graviers, des brindilles ou du sable à une substance filamenteuse et gluante qu’elles enroulent autour de leur corps. Solidement fixées au fond de leur étui par deux crochets abdominaux, les larves laissent seulement dépasser leur tête et leurs pattes pour se déplacer ou se nourrir.

A l’inverse, les larves libres ou campodéiformes vivent sans fourreau. Elles peuvent toutefois se construire un filet leur servant d’abri et de piège collecteur de nourriture. Ce n’est qu’à l’approche de la métamorphose qu’elles se construisent un abri fixe dans lequel elles se transforment en nymphe.
A l’intérieur d’un cocon, toutes subissent de complexes remaniements tissulaires lors de la métamorphose. Les antennes, les ailes et les organes génitaux sexuels apparaissent, les pattes s’allongent… Après 20 jours à deux mois d’immobilité totale, la nymphe brise son cocon et gagne la surface. Elle subit une ultime métamorphose, quitte son exuvie et se transforme en imago.

Les adultes vivent plusieurs semaines. Présentes dans la végétation rivulaire, la plupart des espèces sont surtout actives en soirée. Après les vols pendulaires et les accouplements, de grandes quantités de femelles tapotent la surface de l’eau avec leur abdomen, mettant en éveil les poissons de la rivière. Les gobages sont alors sonores et très spectaculaires.

Le sedge émergent.

 

Sedge basse flotaisonDevant la généralisation des coups du soir où toute imitation flottant haut est refusée, le cas du comportement du poisson lors de l’émergence de sedges mérite une attention particulière. La nymphe arrivée à maturité quitte son cocon et monte vers la surface. Elle traverse la couche d’eau passivement ou en nageant à l’aide de ses pattes poilues. Arrivée en surface, elle se débarrasse en gesticulant de son enveloppe nymphale. Malgré la présence de nombreux adultes, c’est à ce stade précis que les truites et les ombres s’emparent des nymphes dans de violents gobages très sélectifs. Plusieurs problèmes délicats sont à résoudre simultanément: faire passer la mouche juste sous la surface, imiter le mouvement de la nymphe et suggérer le volume d’un abdomen dodu entouré de l’exuvie. Face à un tel défi, deux techniques s’affrontent: pêcher le gobage à l’aide d’imitations réalistes ou peigner les postes avec un train de noyées animées.

Brachycentrus subnubilus.

 

toujours et encore les culs verts La larve de type éruciforme occupe un fourreau plutôt fin. Des brindilles servent d’ossature à cet habitacle sécrété par l’insecte et recouvert de grains de sable. Apparaissant lors d’éclosions massives, les nymphes à l’abdomen vert tirant sur le bleu turquoise provoquent une intense activité des poissons. Les oeufs portés par la femelle avant de pondre sont également verts. Dénommé « culvert » ce sedge tire son nom vernaculaire de cette particularité anatomique. Cette espèce au moeurs diurnes forme de véritables essaims qui balayent la surface de l’eau. Ce manège saupoudre littéralement la rivière d’insectes agonisants. Le passage répété du nuage éveille alors l’appétit des truites qui gobent calmement ces proies inertes. Attention! La présence massive de ces insectes est une des rares occasions d’apercevoir les plus gros poissons d’une rivière se nourrir en surface.

Les hydropsychidae.

Sedge émergeant Très consommées par les truites, les larves d’hydropsychidae sont de type campodéiforme. De couleur variant du gris au vert olive, elles vivent sous les pierres dans les zones de courant. Elles y tissent des filets dans lesquels elles collectent leur nourriture. Résistant très bien à la pollution, ces trichoptères sont présents dans tous les cours d’eau. Ils sont même parfois les seuls représentants du groupe dans les eaux dégradées. Leur larve est souvent utilisée par les pêcheurs au coup sous le nom de « barbote ». Les adultes, de taille modeste et de couleur sombre, sont relativement discrets. Présents toute la saison, on les repère surtout les soirs du mois d’août, voletant en petit groupe près du bord. Ils attirent alors l’attention des truites dont certaines, de petite taille, n’hésitent pas à sauter hors de l’eau pour s’emparer de leur proie.

 

Philopotamus montanus.

Cette espèce est très répandue dans les cours d’eau de montagne jusque dans les ruisseaux. La larve de type campodéiforme, vit à l’intérieur d’un filet en forme de tube qui lui sert d’abri et de piège. Sa grande activité tout au long de la journée lui attire les faveurs des pêcheurs. Présent d’avril à septembre, il reste toujours au voisinage de l’eau. Des périodes de repos dans la végétation des rives alternent avec de fréquents survols de l’eau. A ce petit jeu, il n’est pas rare qu’un insecte perde l’équilibre et s’empêtre momentanément dans la surface devenant ainsi une proie idéale pour la truite. Le gobage est alors aussi bref que violent, le poisson ne laissant pas le temps au malheureux de reprendre ses esprits. Les ailes (10 à 13 mm) étant noires avec des marbrures fauves, une imitation en plume de bécasse est idéale.

Les rhyacophylidae.

Larve de rhyacophylidae Dépourvues de fourreaux, les larves de rhyacophylidae sont parfaitement adaptées au fort courant dans lequel elles vivent. Un abdomen aplati sur la face ventrale, terminé par deux crochets et des pattes courtes mais robustes lui permettent d’adhérer aux sédiments. De couleur jaune verdâtre avec une bande foncée sur le dos, la nymphe qui émerge en cours de journée est particulièrement appréciée des truites et des ombres. La taille des adultes varie de 10 à 15 mm. La couleur des pattes et du corps est d’un ocre très clair alors que les ailes ont une tonalité cannelle. Le cul de canard kaki est parfait pour monter la collerette des imitations tandis que les pelles de coq pardo fournissent des ailes piquetées d’une rare beauté. L’activité des adultes est particulièrement marquée en soirée au moment ou les femelles fécondées déposent leurs oeufs à la surface de l’eau.

Les fourmis.

pêche à la moucheAucun insecte n’attire autant la convoitise des truites et des ombres que les fourmis. Ces hyménoptères terrestres vivent en colonies sociales qui produisent en été des milliers d’individus ailés chargés de la dissémination de l’espèce. Les envols ont lieu en milieu d’après-midi par une chaleur lourde et orageuse. Un scénario classique attend alors le pêcheur présent au bord de l’eau. Des centaines de fourmis peu agiles tombent sur la surface et sont incapables de redécoller. Immédiatement, les poissons s’installent en surface, se gavant de fourmis dans d’avides gobages. Regroupés par les remous, les insectes se concentrent dans d’étroits chenaux « bouillant » de ronds serrés. Flottants très bas ces petits points noirs sont peu visibles surtout si d’autres éclosions ont lieu simultanément. Gare à celui qui n’attache pas à son bas de ligne la bonne imitation car les poissons se montrent très sélectifs au point de ne prendre que les grosses fourmis marrons ou les petites noires très remuantes…

Les grillons.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, les grillons rythmant nos nuits d’été de leur trilles joyeuses peuvent terminer leur vie dans l’estomac d’une truite. C’est l’enseignement tiré de l’examen de plusieurs contenus stomacaux de poissons capturés au mois d’août dans des bordures calmes et peu profondes. Comme tous les insectes terrestres, les grillons doivent consommer de l’eau. Une fois au bord de la rivière, une chute accidentelle, une variation de niveau, un combat entre individus ou le besoin de conquérir de nouveaux territoires peuvent amener les insectes à prendre un bain. La suite se devine aisément. Les pêcheurs aux appâts utilisent d’ailleurs les attraits des grillons depuis longtemps. Connaissant l’opportunisme et l’appétit de dame fario, je ne serais pas étonné qu’elle se poste volontairement près des zones d’abreuvage, un peu à la manière des crocodiles, prête à jaillir à l’arrivée d’un grillon imprudent.

Les coléoptères.

La cox Avec plus de 250.000 espèces recensées, ce groupe est de loin le plus important du règne animal. Les coléoptères colonisent tous les milieux. Ainsi, en plus des coléoptères terrestres susceptibles de tomber à l’eau, de nombreux coléoptères aquatiques vivent a proximité des truites. Bien que les larves et les adultes soient présents toute l’année, ils sont peu consommés en dehors de la période estivale. Alors que les autres insectes aquatiques sont plutôt discrets en raison de la chaleur, les coléoptères sont très actifs. Les poissons les consomment parfois en abondance, dans les herbiers immergés ou sous les branches basses plongeant dans l’eau. En l’absence de tout autre insecte, une imitation noire, luisante et ayant la silhouette caractéristique des coléoptères peut donc être efficace, surtout si elle est légèrement noyée.

Les sauterelles.

Comme chez beaucoup d’invertébrés, les populations de sauterelles peuvent connaître lorsque les conditions sont favorables des expansions considérables. Moins nombreuses en plaine qu’autrefois, l’apparition de souches résistantes aux pesticides permet toutefois de rencontrer à nouveau ces insectes sauteurs. En altitude, les populations sont abondantes au point de faire des sauterelles une des nourritures les plus consommées des truites. Il est fréquent qu’un bond ou un envol trop ambitieux se termine dans l’eau. Les truites le savent et lors des chaudes après-midi d’août, se postent sous le vent le long des berges herbeuses. La pêche avec une imitation de bonne taille est alors particulièrement rentable. En lac, une animation à l’approche du poisson avec de petites tirées déclenche souvent l’attaque alors qu’en rivière, un poser plaqué, voire bruyant, bonifie l’attraction exercée par la mouche.

Mouches, guêpes et taons…

La sauvage Appâts traditionnels des pêcheurs au toc, la mouche de cuisine ou la mouche rousse de « bouse » de vache s’inscrivent volontiers, si l’occasion se présente, au menu des truites. Sans parler du cas exceptionnel d’une partie de pêche dans les gorges du Rieumajou ou les truites ne prenaient qu’une imitation de mouche bleue en raison de la présence d’un cadavre de chevreuil en amont, il est très fréquent de trouver des mouches, de taons, des punaises, des araignées voire des abeilles ou des guêpes dans l’estomac des truites. Dans ce cas, le poisson en poste prend tous les insectes terrestres qui dérivent en abondance lors des chaudes journées d’été. C’est alors le moment de redécouvrir les vertus du palmer. Cette mouche passe partout, flottant haut, n’a pas son pareil pour suggérer la détresse d’un insecte en perdition.

Ecrit par Frédéric Serre

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