Bonjour à tous,
Ceux qui ont lu les articles de Claude Ridoire sur Gobages ou vu les vidéos que j’ai tournées avec lui savent que pour lui, la condition essentielle pour pouvoir lancer de façon optimale est l’adéquation entre le « poids » de la soie et la puissance de la canne.
De nos jours, les soies dépassent allègrement la norme AFTMA et les cannes sont souvent plus puissantes que ce qu’elles annoncent ce qui « pipe » un peu les dés.
Il existe une méthode (CCS) qui n’est pas forcément simple à mettre en oeuvre. Depuis quelques années Claude cherche à mettre en équation la relation soie-canne et à trouver un calcul facile qui permettrait de savoir quelle soie marier à sa canne. Il nous livre ici le résultat de sa recherche.
A la lecture de l’article, cela peut vous paraître compliqué à utiliser. Essayez, vous verrez qu’il n’en est rien. Et surtout, faites-nous part de vos remarques, retours ou conclusions, cela permettra à Claude de compléter sa recherche.
Patrick
Il y a déjà quelques années sur Gobages par le biais des vidéos de Patrick et divers articles sur la bonne adéquation du propulseur avec une canne ciblée (2019) , j’avais tenté d’expliquer cette mise en conformité.
L’ intérêt pour le sujet fut alors réel. Par la suite, en continuité lors de la naissance d’une Canne la Trial (Décembre 2021) nous avons mis en évidence le besoin de gérer la troisième caractéristique du propulseur à savoir sa partie courante par une disposition d’anneaux anti-tangage.
La boucle n’est cependant pas parfaitement fermée, la réelle puissance d’une canne à mouche est un élément physique que l’utilisateur se doit de connaître avec précision. Elle est gage d’une bonne utilisation selon son type de lancer mais peut aussi évoluer dans le temps (fatigue du matériau carbone). Alors que dans d’autres sports de plein-air (golf, chasse…), la mise en conformité des divers matériels propre à chaque utilisateur fait l’objet de règles, travaux, voire applications de professionnels, notre pêche à la mouche est bien pauvre en la matière… La réelle puissance de la canne n’est pas systématiquement celle inscrite dessus tout comme pour une soie. Elle est liée à une approche vague et l’appareillage d’une soie propulseuse approximée dessus multiplie de surcroît les sources d’erreurs.
La puissance d’une canne est un élément physique quantifiable selon deux facteurs : sa longueur et son mode de lancer (à une main ou deux)
Au début des années 2000 apparaissait aux USA la méthode Common Cents System ou CCS par le Dr William Hanneman. J ’ai le souvenir d’en avoir pris connaissance par la suite dans la revue anglaise Trout and Salmon. Cette approche caractérise l’action de la canne, sa puissance et sa réactivité.
Il est ainsi considéré qu’une canne est chargée lorsque placée à l’horizontale et fixée par sa poignée, la tête de scion descend du tiers de la longueur de la canne sous l’effet d’une masse (pour une 9 pieds de 2,70m, flèche de 90 cms). La puissance de la canne est ainsi caractérisée de par cette flèche imposée dont l’unité de poids correspond à un certain nombre de pièces de monnaie américaine le « cents ». L’angle formé par le scion et l’horizontale détermine l’action.
Pour l’avoir tenté, je vous avoue sincèrement que de transposer cette méthode (pourtant inédite) vers l’Europe était et est encore gage d’une véritable « usine à gaz » :
– le besoin d’un tableau d’essai (dimensions minimums : longueur 4m X hauteur 1,5m) ne trouve pas place dans toutes les pièces
– les unités et valeurs employées ou à mesurer (les cents, les grains, les angles en degrés….) ne nous sont pas catégoriquement usuelles
– le chargement au tiers de la longueur me semble exagéré par rapport à l’utilisation courante d’une canne à mouche
– le résultat de détermination de la puissance (ERN) selon le nombre de pièces de un Cents via un tableau de conversion pour obtenir une valeur de soie idéale au centième (exemple soie numéro 5,68) alors que rares sont aujourd’hui les soies respectant la classification AFTM dissipe tout degré de précision au bord de l’eau…
– sur l’expérience fondée qu’à cette époque la canne de base américaine est la neuf pieds, compliqué de transposer une telle mesure sur une plage de longueur plus large
Bien avant ce nouveau siècle, j’avais pour habitude de mesurer canne à l’horizontale la fatigue selon les durées d’utilisation des cannes du commerce mais surtout de mes prototypes de grande longueur pour la noyée. Pour cela, sur mes bases en Génie Civil tout comme pour les procédures d’essais d’un pont en Béton armé, je fige un chargement et mesure ensuite la flèche résiduelle.
J’ai toujours observé avec intérêt les pratiquants de la pêche à la mouche en action ou en train d’essayer de nouveaux modèles de cannes/soies. Au dépend de la longueur du shoot final ou de son posé, il est autant instructif de visionner les amplitudes avant/arrière, l’action voire les distorsions du travail de la canne.
Pour des ensembles destinés à nos poissons sédentaires ou petits migrateurs et afin de reproduire en statique des courbes de chargement similaires, j’ai figé une charge en tête de scion de 75 grammes depuis plus d’une trentaine d’années. Le passage de la charge par un fil dans les anneaux est plus réaliste mais ne change pas réellement l’action. C’est donc le résultat de la flèche de la tête de scion (Ecart entre : la hauteur au repos horizontal et la hauteur en charge) qui me permet d’avancer un résultat de puissance et d’observer l’action.
2.1°Méthode de mesure
Matériels et dispositifs nécessaires
– Pour disposer la canne montée à l’horizontal rien de mieux avec anneaux dirigés vers le bas que de bloquer toute la poignée sous une charge (livres, paquets, sangles..) sur une étagère à plus de 1,50 mètres du sol
La bibliothèque avec un bon Falkus de calage convient parfaitement !!!
– La charge de 75 grammes est facilement trouvée avec un plomb plat circulaire, bateau ou hexagonal muni d’un crochet ou cure-pipe
– L’instrument de mesure de la déflexion ou flèche est composé comme support d’une baguette de bois, style couvre-joint équipé et fixé en partie basse d’un ruban métallique de mesure
– Le ruban métallique est guidé vers le haut en toute liberté par quelques colliers électriques plastiques
Procédure de mesures
– Il est considéré que la poignée est fixe ou dite encastrée, seul le blank au-delà est libre
– La canne fixée à l’horizontale, il y a lieu à plusieurs reprises avec les doigts de descendre la tête de scion pour s’assurer d’un blocage de la poignée entière sûr à cette position de repos
– Il est maintenant possible de positionner la tête du ruban métallique face à l’axe de la tête de scion ou du blank, le ruban doit rester alors figé à cette hauteur de sortie
– En douceur et avec maintien la charge est accrochée à la tête de scion
– La flèche obtenue de la courbure de la canne va se stabiliser
– Vous pouvez alors lire sur le ruban métallique de mesure la déflexion ou flèche de votre canne au niveau de l’axe de la tête de scion ou blank
– Vous pouvez avec quelques mètres de recul observer la courbe de flexion de votre canne
-La charge est relâchée en douceur, il reste à vérifier un repositionnement à la valeur initiale de repos, sinon répéter l’opération
La méthode et le petit matériel nécessaire sont rudimentaires et transposables même au bord de l’eau.
2°2) Résultats des pratiques pêches et mesures de flèches
– Outre leur utilisation dans le temps par rapport à la fatigue du matériau carbone, les résultats bruts de la méthode précédente sont aussi très instructifs avant montage d’un blank.
Par classe de longueur et suite à une pratique assidue au bord de l’eau, il m’a été aisé comme tout pratiquant sur chacune de mes cannes ou prototype d’en cerner la puissance exacte en grammes du corps de la soie ou propulseur nécessaire selon son utilisation en une ou deux mains.
Toujours par classe de longueur (9, 10 et 11.5 pieds), j’ai re-transcris sur un tableau en abscisses et ordonnées la valeur des flèches obtenues en corrélation avec la réelle puissance en pratique pêche. J’ai ainsi obtenu un fuseau de droites quasi parfaites.
Pour des cannes mixtes une main et/ou deux mains (classe 10 et 11.5 pieds) une relation de puissance s’est avérée fiable à savoir :
– L’effort de torsion mobilisable du lancer à deux mains d’une canne autorise une charge optimisable supplémentaire de 15% en sus.
-10 pieds ( 3.00 m)
La première classe d’approche de ce type de calcul fût pour la conventionnelle 10 Pieds ; outil de base pour une pluralité de types de pêches (sèche, noyée, nymphe…) à une ou deux mains. Je citerais à la volée la quinzaine de modèles ayant répondu à cette relation : Sage One ou XP, Thomas and Thomas, Scott, Redington, Loomis, Sempé….
P10 = 27 grs – (0,225x D10)
P10 = puissance optimale de la canne en grammes équivalente au fuseau à propulser à une main
D10 = valeur de la flèche en centimètres
Exemple : Si obtention d’une flèche de 73 centimètres, la puissance optimale P de cette canne 10 Pieds à une main est de : P= 27 grs – (0,225 x 73) grs soit
P = 27 grs – 16,43 grs = 10,57 grammes (soit numéro 6 en classification AFTMA)
– Equipée d’un talon arrière en pêche à deux mains la puissance optimale peut être portée à 15% de plus :
10,57 grs X1,15 = 12,15 grammes (soit numéro 7 en classification AFTMA)
-11,6 pieds ( 3,50 m)
La seconde classe d’approche de détermination de puissance d’une canne porte sur une switch pour les pêches aval à deux mains qui me sont chères. Sur un éventail de plus d’une vingtaine de modèles : principalement Sempé mais aussi Guideline et Sage
P11.6 = 50 grs – (0,444 x D11.6)
L’application de la formule est du même type que précédemment pour la 10 pieds sauf que dans ce cas la valeur de puissance optimale a été énoncée pour une pêche à deux mains. Pour quelques modèles légers l’approche pour une utilisation à une main est simple en diminuant de 15%.
Seulement sur cette classe, deux modèles n’entrent pas dans la formule malgré leurs qualités. Il s’agit de la Sage Trout Spey et de la HOH de même appellation qui disposent d’une action descendant au talon soit ultra progressive.
-9 pieds (2,70 m)
La troisième classe d’approche de détermination de puissance m’a amené vers ce que j’utilise de plus court à une main ponctuellement pour nos poissons sédentaires mais surtout en mer, à savoir les cannes de 9 pieds.
P9= 26 grs – (0,245 x D9)
Venant de vous livrer le fruit de nombreux essais et mesures , ceci correspond à une approche personnelle partagée avec une poignée d’amis pêcheurs proches et de longue date (dont les deux Jean-Jacques celui du Limousin et celui des Pyrénées ….).
Le degré de précision pour déterminer la puissance référence est de l’ordre du gramme.
Il se peut qu’elle ne reste pas totalement valable pour votre style de lancers ou qu’aucune classe de longueur corresponde à vos utilisations. Avec plusieurs modèles reconnus, il vous sera ainsi aisé de trouver vos concordances et surtout de ne pas vous tromper dès que vous passerez à l’action muni de vos waders …..
Ce que je maintiens néanmoins c’est que la puissance d’une canne est intimement liée aux flèches que l’on peut lui imposer.
Conclusion :
Si l’idée vous tente, n’hésitez pas à tester vos cannes selon cette méthode et nous faire part de vos remarques et résultats sur le sujet créé sur le forum. Il est toujours intéressant de partager ses expériences.
Et, puis, dernier clin d’œil, peut-être qu’en nous y mettant tous, pêcheurs et marchands de cannes, nous pourrons faire de cette méthode « la référence » et « détrôner » nos amis américains qui pour l’instant ont la seule méthode d’évaluation de la puissance d’une canne et ont tendance à nous regarder avec un air condescendant dans ce domaine. ;-)))