Pêche Mouche

Pêche du bar en baie de Morlaix

2 septembre 2014

bar-0014Lors du salon de Carhaix, en février 2014, pendant que mes amis tenaient mon petit stand de montage, j’avais profité de ces quelques instants pour faire le tour des exposants et demander des renseignements auprès de Philippe Dolivet sur la pêche du bar.

Il m’avait répondu gentiment : « Écoute Fabien, viens une journée et tu te rendras compte par toi même ».
Sa réponse m’avait un peu laissé perplexe mais connaissant un peu le personnage, je savais ce que cela pouvait signifier.

Les jours passent et l’envie de pêcher en mer chez moi dans le golfe se fait de plus en plus sentir. Première sortie capot, deuxième session idem. Je laisse passer le mois de mai, juin et juillet mais ça ne sera pas mieux.

En France, la pêche du bar à la mouche se résume en gros à quelques heures par ci, par là, pendant nos vacances d’été ou à quelques moucheurs qui habitent près du littoral Breton ou Normand et très majoritairement en wading du bord.

Les chances de prendre un poisson sont alors assez réduites, la diminution sensible et confirmée des populations de bars sur le littoral français ne fait rien pour arranger le tout.

Il faudra que j’attende le 23 Août 2014 pour vivre une expérience que je pense unique dans le département voisin qu’est le Finistère.

Arrivé sur les lieux à l’aube, Philippe Dolivet, guide international connu de nombreux pêcheurs français m’avait donné rdv sur le port de Roscoff pour mettre à l’eau.
Son bateau, un Carolina Skiff de 16 ft est motorisé par un moteur 40 CV 4 temps et surtout équipé d’un moteur électrique à l’avant, un détail très important et indispensable pour se positionner sur le bon secteur en toute discrétion.

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Pour ce qui est du matos, j’ai utilisé pendant deux jours une 9 pieds soie de 8 en soie intermédiaire, un bas de ligne d’un longueur d’un peu plus une longueur de canne et d’une pointe en fluorocarbone en 12 livres.

Niveau mouche, là encore j’ai fait confiance à des streamers en fibre ep en taille 2 de couleur naturelle, mais Philippe alias “Captain Fifi”, utilise principalement un modèle : Un Gummy minnow avec des fibres raides à l’arrière appelé Softy Sandeel en différentes couleurs et tailles distribué par Fulling Mill allant du H4 au H2 en coloris chartreuse, blue et white. Le gros avantage de cette mouche est qu’elle ne s’emmêle pas lors des coups de vent ou des doubles tractions et pour finir les fibres ne se gorgent pas de flotte et elle se lance facilement.

Pour ce qui est des zones de pêche, nous sommes passés des parcs à huîtres immergés à marée haute, aux cassures de rochers, et par les chenaux pour rejoindre des postes avec une hauteur d’eau allant de un mètre à trois mètres maximum ou à des parcs découverts à pêcher entre les tables.

Le samedi, la météo n’a pas été facile. Malgré une mer peu agitée, c’est surtout le vent qui a été désagréable mais Philippe a une parfaite connaissance de son territoire.

A aucun moment de la marée, je n’ai aperçu la présence d’algues vertes, ce qui rendrait la pêche complètement impossible, comme j’ai pu le constater dans les abers il y a plusieurs années.

Revenons sur la pêche en elle-même. Jusqu’à ce jour, sauf  lors d’un voyage à l’étranger, je n’avais fait appel aux compétences d’un guide.

Pour moi, cela était superflu et, par dessus tout, mon budget pêche ne me permettait pas de louer leur prestation. Je préférais comme beaucoup d’entre vous acheter une canne, un moulinet, une soie ou divers matos que nous entassons dans un coin en attente de pouvoir partir pêcher et rêver.

J’ai complètement changé ma vision après mon séjour.

  • La première chose qui m’a surpris est avec quelle facilité Mister Dolivet vous positionne le bateau à l’aide de son moteur électrique via la télécommande, tout en douceur, et surtout une discrétion parfaite. L’importance d’un tel gadget aussi indispensable qu’un écho-sondeur est quelque chose que je n’avais imaginé à ce jour.
  • La deuxième chose, c’est la complicité entre le capitaine et son client. Celui-ci se met en quatre pour que cette journée soit inoubliable mais surtout vous fait prendre du poisson. La pêche à la mouche en mer est complexe et face à la pêche aux leurres durs ou ls, il n’y a pas de hasard. Il faut pêcher juste, au bon endroit, dans un temps relativement court car les bars se déplacent souvent pour suivre un circuit et aller chasser de caillou en caillou ou passer sous les tables évoluant au gré du courant.
  • La troisième chose, la connaissance du milieu aquatique, les mœurs du poisson, la lecture du courant, les oiseaux, les dérives, font qu’on a le sentiment que ce gars a fait ça toute sa vie.

Pour en avoir discuté longtemps avec lui, il m’a avoué que ce métier est dur et qu’on ne fait pas ça pour l’argent ni pour pêcher. C’est pour autre chose : une manière de vivre, une harmonie avec la nature et surtout partager sa passion.

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Place à la pêche.

Journée de samedi
Coef 64/68. Basse mer : 12h01. Hauteur d’eau : 8m05. Pm : 17h57

À peine effectuée la mise à l’eau qui ne prendra que quelques minutes, nous quittons le port de Roscoff. Là je découvre un endroit magique, une ambiance qui vous met à l’aise loin des vagues de touristes que connaît le golfe du Morbihan. Bref des endroits que j’aime pêcher, ces moments sont inoubliables et j’en profite pour faire une petite vidéo sur mon smartphone pour montrer aux enfants. Philippe me fait découvrir le coin, sa zone de pêche et le bateau est parfaitement stable, ce qui me permet d’être debout à côté de lui, et de lui parler à l’oreille.
Nous passons au milieu du chenal pour ne pas effrayer les bars, sans aucune raison le moteur se coupe. Je ne comprends pas tout de suite, le guide immerge le moteur électrique à la proue et commence à évoluer dans un silence religieux je peux vous l’assurer. Philippe me chuchote qu’il va me faire pêcher. La marée est basse et les poissons sont très craintifs dans les parcs. Lui seul sait où se trouve le poisson et franchement, lancer un peu au hasard comme ça, cela me paraît un peu du pifomètre. Les couloirs que je prospecte sont d’une largeur d’environ trois à cinq mètres. Le jeu consiste à lancer à une vingtaine de mètres et à ramener la soie intermédiaire plus ou moins rapidement selon la hauteur d’eau car les tables sont en dessous, chose que j’apprends très vite car je viens de perdre mon premier streamer lançon. Au bout d’une quinzaine de dérives, le guide m’indique qu’ils ne sont pas là, nous faisons route vers une autre zone au moteur thermique.



Pourtant j’avais le sentiment que ça pêchait bien et Philippe me fit un petit signe de la main pour me rassurer. “T’inquiète : ça ne vient pas de toi, c’est que les poisson bougent très vite ici”. Rassuré par ces quelques mots, nous arrivons sur un autre parc ostréicole. Le courant est différent mais c’est réglé comme du papier à musique. Le guide tourne le bateau pour me faciliter le lancer et avoir le vent non en face de moi mais dans le dos. Jamais je n’avais pêché de la sorte, la logistique est énorme….. Le spot ressemble comme deux gouttes d’eau au précédent. Pourquoi celui-là et pas un autre, je n’en ai aucune idée mais je fais confiance à l’homme du bord. Après quelques lancers, je ressens un très net arrêt puis un coup de tête dans le scion. Je ferre et c’est mon premier bar de la baie de Morlaix.

Je suis content malgré la modeste taille du poisson : je suis là pour apprendre et découvrir les lieux. Très vite le bar repart dans son élément et disparaît dans l’eau claire. Nous continuons à évoluer dans ce milieu où l’ambiance de ce guidage m’apaise, une autre capture de la même taille me fait vite revenir à la réalité. Nous changeons de zone, car Philippe m’indique que là où nous sommes, nous n’allons trouver que ce type de poissons juvéniles, les plus gros ne sont pas là.

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Nous apercevons un groupe de moucheurs qui pêchent en wading. Pour ne pas les déranger, le bateau s’éloigne doucement, en marche arrière, et contourne à distance la pointe rocheuse sur laquelle ils opèrent. On se repositionne à plus de 100 mètres de ces confrères et je recommence à lancer. Deuxième strip : Boum ! La soie est à peine tendue que là c’est plus sérieux. Malgré la puissance que peut avoir une 890-4xp, la canne est pliée. Je dis à Philippe : “c’est plus gros là”. J’aperçois un reflet d’argent, le bar vient exploser la surface et sonde à nouveau sous deux mètres d’eau pour essayer de rejoindre une table. Je finis par l’amener près du bateau et le guide, d’un geste sûr, épuise ce poisson et me le présente. Séance photo hyper rapide ; le bar fait un bon 40 cm et sa défense me surprend. Punaise ils ont la patate ici ! Nous finirons cette journée avec 5 poissons.

Philippe m’indique que maintenant cela va se compliquer avec l’approche de la pleine mer. Les poissons se dispersent, s’éparpillent sur le plan d’eau de l’estuaire de la Penzé qui ne cesse de grossir à la faveur du flot. Demain il fera jour… On viendra beaucoup plus tôt. Je suis fatigué et nous rentrons au port

 

Journée du dimanche
Un dicton dit  » les jours se suivent mais ne se ressemblent pas  »

Hier à notre retour, Philippe m’avait dit qu’aujourd’hui, nous ne pêcherions pas les mêmes zones et plus au ras des cailloux. La nuit fut courte car il a fallu rincer le matériel, préparer la pêche, discuter de tout et de rien, mais surtout en raison de l’excitation de connaître une nouvelle zone.

En effet sur ces spots, des plus beaux poissons sont souvent présents mais ne restent jamais bien longtemps en place.
Les conditions météorologiques ont complètement changé, il n’y a pas le moindre souffle de vent, la mer est d’huile. Mais surtout, nous sommes beaucoup plus tôt sur l’eau car le rdv était fixé deux bonnes heures avant celui de la veille. Nous faisons route et le bateau glisse sur l’eau comme l’on pourrait le voir sur une vidéo de YouTube à l’autre bout du monde.

Arrivé sur les lieux, notre guide décide tout de même de prospecter un parc car d’après lui, cela vaut le coup de perdre une demi heure pour trouver du fish. Philippe m’annonce “oiseaux!!” et la tension monte d’un cran. Quelques sternes plongent dans la mer, nous lançons nos mouches et piquons rapidement un bar chacun.
Pour éviter de faire fuir les plus gros, les poissons sont stockés dans le vivier parfaitement oxygéné par un système de pompe et crépine.

A oui, petite précision : la veille au soir, je lui avais demandé, si exceptionnellement, il pouvait pêcher en ma compagnie. Il avait accepté car on se connaissait un peu, mais c’est une chose qu’il ne fait pas habituellement.

Au lieu d’insister sur la zone et de risquer de prendre d’autres juvéniles, le guide cherche à l’écho-sondeur une zone au milieu de nulle part. Des milliers d’alevins entourent et nagent désormais autour du bateau. Nous passons au milieu des pieux délimitant les parcs et le vent nous aide à faire des dérives parfaites.

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Le vivier se remplit rapidement, j’aperçois quelques poissons qui suivent comme des dingues ma mouche dans une eau limpide pour une fin d’estuaire, génial !
Philippe m’explique pourquoi il ne faut pas immédiatement relâcher le fish à l’endroit où nous pêchons et m’annonce : « chasse en surface ! ».
Il me dit, vas-y. Je lui réponds : “non lance !”.

En trois faux-lancers il est déjà à plus de vingt-cinq mètres, la mouche tombe, un strip et le bar est au bout. Franchement ce mec me tue, la grande classe !

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Nous relâchons les petits bars avec soin, il est temps de partir pêcher entre les îles, le long des bordures rocheuses et sur les fonds de sable clair plantés de zoostères et autres sargasses.

Une fois le bateau déjaugé, nous fonçons en direction du Nord. Le courant se forme, les herbiers marins commencent à apparaître et, avec l’aide de “Captain Fifi”, je découvre les postes.

Toujours propulsé par le moteur électrique, le Carolina fait son job parfaitement.

Les premiers poissons sont là. Nous n’avons plus du tout affaire à la même classe d’âge que ceux capturés sur les parcs. On monte en taille et en poids. La touche se produit souvent lors des premiers strips et nous ne pêchons pas à plus de vingt mètres pour éviter de se fatiguer mais surtout de prendre un h2 ou h4 derrière les oreilles.

Dans des zones où il y a du jus et le long des cassures, un bar de 48 + défend chèrement sa peau et son plan de bataille réflexe est de sonder vers l’herbier le plus proche ou de slalomer entre les roches immergées.

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A ce moment je n’ose imaginer ce qu’il serait advenu si, hier, au dessus des parcs, un poisson de deux kilos avait sauté sur mon ep minnow. Sans doute la casse par manque de reflexe de combattre en force et bloquer rapidement son adversaire. Chose qui arrive régulièrement d’après Philippe et qui me précise : “En milieu encombré, tables ostréicoles, champs d’herbiers, roches immergées, tu ne peux le plus souvent pas te permettre de laisser un beau poisson te prendre le moindre mètre de soie. Tu dois l’empêcher de nager et prendre de la vitesse. Tu dois exploiter la puissance de la canne et la résistance du fil à leur paroxysme !”

J’ai déjà pêché le bar en Bretagne et à plusieurs endroits, mais je trouve que ceux de la baie de Morlaix ont une défense beaucoup plus méchante que ceux que j’ai connus précédemment.

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Mon guide, car cela fait à peine 24 heures que nous partageons notre vie, mais je l’appelle comme ça, veut me faire plaisir et m’emmène sur un coin où il a pris de très beaux poisson de plus de trois kilos. Il m’explique comment pêcher, mais surtout les mœurs, comment chassent ici les bars. Je l’écoute avec attention tout en changeant ma pointe et au moment précis qu’il m’indique, lance ma mouche.

Un strip, deux strips, et il y’en n’aura pas de troisième, la soie se tend sévèrement, gros coup de tête et le combat commence en pleine eau.

Je n’en reviens pas ! Mon dieu, comment fait ce mec pour avoir une lecture de l’eau aussi prononcée ? J’ai pourtant une bonne expérience de l’eau salée sur notre territoire breton.

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La canne est toujours pliée et les secondes passent. C’est fou comment un bar se défend sur une canne à mouche par rapport à une canne à leurres. Je prends mon pied et Philippe me dit que c’est un beau poisson.

Je suis aux anges : ça sera le plus gros de mon séjour. Pendant que je savoure ce moment, le poisson est placé dans le vivier et croyez moi ou pas, je relance immédiatement ma mouche à la demande du guide. A peine tombée dans l’eau alors que je suis sur la planète happy, je commence à stripper, nouvelle touche, nouveau poisson. Je ne pensais pas vivre un pareil moment en Bretagne. Les nuances de gris, les nuages, l’eau bleu turquoise, un soleil timide, les poissons, tout est magique pour moi à ce moment là. Une régate de voiliers arrive droit sur nous et nous obligera à changer de spot!

Je ne vous parlerai pas d’un des derniers poissons que j’ai touchés dont la défense a été nettement plus méchante, ni des nombreuses touches et du nombre de bars que nous avons capturés au total.

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Après un café bien mérité à bord, le sourire jusqu’aux oreilles, nous regardons le décor qui nous entoure. C’est grandiose.

Que pourrais-je vous raconter de plus pour clore ces deux jours merveilleux que j’ai passés ici.

Peut-être le phoque que nous avons eu la chance de croiser le long de l’île Callot en faisant route vers le port de plaisance de Roscoff, ou les gobages de truites fario que Philippe m’a emmené voir sur le lac du Drennec le dimanche soir.

Ou tout simplement le bonheur d’avoir franchi le pas et d’avoir fait appel aux services d’un guide et pas n’importe lequel. Un mec avec un cœur gros comme ça, qui s’adapte à ses clients pour leur faire prendre des bars à la mouche et vous fait découvrir un site exceptionnel.

Et croyez moi ce que je viens de vivre et d’écrire n’est pas grand chose par rapport à la réalité.

Merci Monsieur Philippe Dolivet de m’avoir fait vivre un moment si magique.

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